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Fanta*, 21 ans, promène son bébé de deux mois, soigneusement emmitouflé, dans un square parisien. Les sourires qu'elle envoie à la caméra de RT France alternent avec des regards graves : la jeune bachelière, originaire de banlieue parisienne, a failli dormir à la rue avec sa fille. Elle fait partie des centaines de «mères 115» en France, comme on appelle ces femmes sans logement après leur accouchement, prises en charge par le Samu Social.

«Maman va tout faire pour te trouver un logement sûr et agréable», murmure-t-elle à son bébé.

Rejetée par ses parents pour être tombée enceinte sans être mariée, Fanta a dû attendre 15 jours pour être logée dans un hôtel grâce au Samu Social. Elle dit avoir mal vécu son séjour à l'hôpital en Seine-Saint-Denis, l’équipe lui faisant comprendre que sa fille allait être placée si elle ne trouvait pas d’hébergement. «J'ai failli m'enfuir, je me suis dit : "Tant pis, on dormira dans la rue"», explique-t-elle. Au bout de deux semaines, le 115 lui a finalement trouvé une place dans un hôtel. Il n’y a pas de chambre pour le bébé, les toilettes sont sur le palier, le débit de la douche est très faible… mais elle dispose au moins d'un toit et espère que la demande de logement social, dont le dossier a été déposé il y a quatre mois, pourra aboutir.

Des places saturées et des mères précaires à la rue

En France, un nombre croissant de mères se retrouvent à la rue après avoir donné la vie, en particulier dans les zones de grande misère sociale. L'association Interlogement 93 qui gère les appels du 115 en Seine-Saint-Denis a relevé que 653 mères sans logement après la maternité avaient été recensées en 2017 par le Samu Social, trois fois plus qu’en 2014. L’association déplore un problème «récent et persistant» et tire la sonnette d’alarme, alertant dans un communiqué publié fin août sur la «saturation des places d’hébergement et du parc hôtelier».

Les causes du phénomène sont multiples : précarité croissante, rupture familiale, soutiens éloignés du lieu de naissance, migrations, esclaves domestiques mises à la rue lorsqu’elles tombent enceintes… Les services sociaux débordés ne parviennent plus à trouver de solution d’hébergement d’urgence rapidement à ces femmes vulnérables. Durant ce seul été, 54 familles n’avaient pas trouvé de solution d’hébergement en Seine-Saint-Denis : le constat est terrifiant. Certaines mères ne connaissant heureusement pas cette épreuve mais patientent à l’hôpital durant plusieurs semaines avant de se voir proposer une solution. 

L'hôpital à la rescousse, faute de places d'hébergement 

Cette année, entre 350 et 400 femmes sans domicile accoucheront dans la maternité de l’hôpital Delafontaine en Seine-Saint-Denis.

Pour certaines, la situation est encore plus précaire que celle de Fanta. Rencontrée dans sa chambre d'hôpital, Djenaba*, qui a accouché une semaine plus tôt, berce son bébé, le regard dans le vide. Alors qu’elle était enceinte, cette jeune Ivoirienne a fui son pays avec sa fille de six ans pour lui épargner l’excision. Passée par la Libye, par les bateaux, la jeune femme s’est retrouvée dans la rue à huit mois de grossesse, dormant avec sa fille sur un coin de trottoir en banlieue parisienne. Une passante, selon son récit, l’a prise en pitié et l’a logée le temps qu’elle accouche. Aujourd’hui, elle n’a plus rien. «Je veux trouver un endroit où aller», plaide-t-elle. «Mais le 115 dit qu'il n'y a pas de place», se désole-t-elle. 

Nous sommes malheureusement parfois obligés de refuser des transferts, faute de place pour accueillir les mamans

Le docteur Stéphane Bounan, chef de service de la maternité, très soucieux du sort des femmes qu’il accueille pour l'accouchement, a décidé que ses équipes ne les remettraient pas à la rue : «Il ne nous semble pas raisonnable d’un point de vue médical de signer une sortie d’une maman fragilisée par son accouchement, avec un nouveau-né de quelques jours, et de savoir qu’elle va dormir sur le trottoir en face de l’hôpital. On a pris le parti de ne pas le faire.» Aujourd’hui, 18 lits sur 60 sont occupés par des mères sans-abri dans cette excellente maternité toute neuve. «En tant que maternité de type 3, nous avons pour vocation d’accueillir des mamans qui sont malades ou qui ont des pathologies qui nécessitent une prise en charge dans un plateau technique comme le nôtre. Or nous sommes malheureusement parfois obligés de refuser des transferts, faute de place pour accueillir les mamans», explique-t-il. «Je pense que ce n’est pas une bonne stratégie de compter sur l’hôpital, qui est là pour délivrer des soins […], pour pallier un déficit de logements sociaux, de logements d’urgence», ajoute-t-il. Il prévoit d'envoyer une lettre à l'Agence régionale de santé (ARS) signée par plusieurs de ses collègues pour dénoncer cette situation.

Pourtant, les budgets d’hébergement d’urgence en hôtels ne sont pas voués à être augmentés durant le mandat d'Emmanuel Macron. Face à ce problème qualifié de «récent» par Interlogement93, mais observable depuis au moins trois ans, aucune réponse impliquant un plan spécifique pour les jeunes mères n’a pour le moment été proposée.

*Noms d'emprunt.

Katia Pecnik

Lire aussi : La pauvreté en France continue d'augmenter selon l'Observatoire des inégalités





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